Il m’est arrivé récemment une expérience que je souhaiterai vous partager. J’étais en train de veiller mon petit enfant qui dormait dans sa poussette, à l’ombre des arbres de mon vallon. Comme il dormait, je pensais dans un premier temps profiter de ce temps disponible pour faire comme la majorité des humains modernes : plonger sur mon portable pour jeter un œil à mes messages, répondre à certains ou faire une petite recherche internet sur un sujet qui me concernait.
Mon téléphone était proche, et je le pris en main. Ce fut une sensation étrange. Je regardais cet objet comme si je le voyais pour la première fois. Il n’avait pas de sens. Un simple objet un peu rigide recouvert d’un étui.
Alors que je le regardais paisiblement, sans l’utiliser, je pus regarder ma compulsion à vouloir utiliser cet objet. La compulsion était sur l’instant bien forte. Je la regardais avec bienveillance. Sans y répondre. Juste j’observais les signes de la compulsion. De l’addiction.
Je restais avec cela, seul au bord de la route.
La tentation fut insistante, et je ne cédais pas.
Finalement, au bout d’une belle série d’aller-retour de cette compulsion, je posais le téléphone. Je restais là avec mon bébé endormi. Je le regardais et il était d’une présence angélique. Il est même possible que ce soit lui, par son état magique, qui me donnait une leçon. Je le regardais et j’essayais de me mettre en résonnance avec lui. Car je percevais que le téléphone voulait me happer vers un ailleurs. Laisser le corps auprès de mon fils pendant que les pensées pourraient voguer au gré des messages et diverses propositions de l’écran. Un ailleurs qui n'est pas ici.
J’essayais donc de me mettre en résonance avec l’instant proposé. Tout d’abord avec la présence détendue de mon enfant. Puis je fermais les yeux. J’observais en moi les tensions et le fait de relâcher volontairement le corps pour une détente méritée.
Ce à quoi je ne m’attendais pas, ce fut lorsque mon regard s’ouvrit à nouveau.
Je regardais la scène, avec ce landau immobile en bord de notre petite route, et les arbres environnants.
Ce qui me surprit, ce fut l’inversion de sens de mon regard. Par habitude, le regard semble aller de l’intérieur vers l’extérieur. Nous projetons un regard sur tel ou tel objet. Le regard habituel, celui que nous pratiquons la majorité du temps, pour ne pas dire tout le temps, va vers l’extérieur. Il passe d’un objet à un autre.
Or dans cet état paisible, ce qui me surpris, ce fut de laisser entrer les arbres et tout ce qui m’entourait dans mon regard. Mon regard s’était inversé. Je laissais rentrer. Paisible, détendu, sans me projeter, sans chercher à défendre ou protéger quoique ce soit, je laissais entrer. Était-ce la présence de mon fils détendu, des arbres paisibles, de l’air doux de ce jour, je ne saurais dire d’où provenait l’alchimie. Ce que je ne pus que constater, c’est que mon regard s’était inversé.
La création entrait en moi comme si j’étais un cœur suffisamment grand pour l’accueillir toute entière. Pour accueillir ce que mon regard pouvait embrasser dans son champ de vision, comme ce qui était plus loin et invisible à mes yeux. Je n’étais pas un centre qui regarde, j’étais un espace ouvert qui accueillait.
Ce n’est pas le même centre qui pense et qui regarde, que celui qui accueille sans rien rejeter.
Ce n’est pas le même espace qui perçoit. Même si cela se passe dans le même corps.
Au-delà de la perception d’accueillir, il y avait une sorte de plénitude. Accueillir depuis un tout. Accueillir les fragments de ce qui est fractionné, séparé en apparence.
Ce fut une expérience déterminante. Car je compris que notre regard s’éduquait à longueur de journée selon ce que nous lui proposons.
Si nous nous proposons du téléphone portable, si nous nous proposons un regard assez courant, nous passons à côté de la vie. À côté de la beauté de la vie. De son essence.
Voir ou regarder ne nous amène alors que des informations parcellaires.
Nous mettre en résonance, accueillir, ouvre un autre espace.
Je compris qu’aucune information que je pourrais lire ne pourrait me rapprocher de cette trame divine dans laquelle apparaissait cette information. À quoi sert un téléphone rempli d’informations si nous passons à côté de la vie elle-même ?
Je remarquais aussi que je sentais que je ne pouvais pas facilement arriver à ce regard auprès d’humains ou de constructions humaines. Seule la forêt me procurait cela.
Il est fort possible que les arbres nous regardent ainsi. En étant des trouées de divin, des portes vers un invisible qui accueille tout. Un ciel infini qui perçoit ce qui est fini, limité, fractionné, et l’invite à entrer dans une autre dimension.
Je me demandais comment partager cela avec vous. Je demandais à l’ange si ce serait possible. Il me dit :
- La fécondation des vibrations végétales ne peut éclore en votre être qu’à l’aide des rayons solaires.
La chaleur est indispensable pour que s’établisse un contact entre vous et la nature.
- Est-ce que tu évoques les rayons de soleil physique ou de soleil spirituel ?
- Tout ce qui vit dans la nature peut être une source d’illumination. N’oublie jamais que Dieu est partout.
- Je te remercie, mais tu sais, actuellement, je pense que le mot « Dieu » peut heurter certaines oreilles, certains regards qui lisent ces lignes.
Mais l’ange reprit de plus belle, comme pour insister, malgré ce que je pouvais en penser :
- Dieu se donne à vous à travers la création, aimez donc les jardins, les fleurs, l’herbe, les arbres et que la nature entière vous devienne fructifiante.
J’insistais :
- Tu sais, le mot « Dieu », la notion de « Dieu » est différente pour chacun de nous. Au moins jusqu’à ce que nous en fassions l’expérience intime. Alors pourrais-tu me formuler cela différemment s’il te plait, pour certaines oreilles sensibles ?
- S’identifier à la nature est l’ouverture d’un cercle nouveau.
Vivre l’évanouissement de son moi jusqu’à n’être plus que le chant de la fauvette ou l’envol d’une hirondelle, c’est déjà le cocon qui se fendille pour permettre aux vapeurs de l’âme de s’échapper du corps.
En ces instants, les bêtes de la forêt n’éprouvent plus aucune peur à s’approcher de vous car vous êtes alors aussi impersonnels et aussi intégrés à l’univers qu’un arbre ou qu’une plante.
Vos limites se sont écroulées, vous faites partie du « Tout », vous êtes l’insecte, vous êtes l’azur, vous êtes l’eau, vous êtes l’éternel.
Je restais avec cela.
Je vous écris ces lignes alors que la nuit est avancée. Mon fils dort à côté de moi.
Avant de m’endormir à mon tour, je vous souhaite de sentir, de reconnaître au détour d’une pause salutaire, ces vapeurs de l’âme, et de rentrer dans ce cercle nouveau, où nous sommes tous réunis par la grâce.
Stéphane
* Je précise ici que l’ange est arrivé dans ma vie via les canalisations de Marcelle de Jouvenel, dont les textes édités chez Fernand Lanore sont de pures perles angéliques. C’est aussi cette énergie qui vibre dans le livre Dialogues avec un ange que j’ai édité récemment.
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