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Histoire personnelle épisode 2: Forêts de résilience et apparition d'un ange


J’ai eu la chance de grandir en un lieu assez rare en France : sur les pentes d’un volcan en bord de mer. La ville d’Agde, perle noire de la Méditerranée, a été le lieu où je me suis incarné.

Comme mes parents étaient accaparés par leur vie professionnelle et leurs engagements associatifs, leur absence était forte, et leur présence minime. J’arrive à avoir des souvenirs de ma petite enfance, vers l’âge de un an environ. J’ai quelques souvenirs de mon père, très très peu, et un peu plus de ma mère. Comme je me sentais déboussolé et étranger à ce monde qui m’entourait, j’ai rapidement cherché des êtres qui pourraient me rassurer, et j’ai essayé de comprendre certains codes rassurants.

 

Les êtres qui m’apportaient un espace réconfortant, sécurisant, étaient ces rencontres fugaces de la journée : une institutrice dont la parole et la présence m’a rassurée, une nounou qui m’a consolé quand je pleurais, mon oncle qui venait en vacances à Agde en été, avec ma tante et ses cousines, et cet oncle est resté jusqu’à son décès une figure paternelle inspirante. Son énergie était présente, rassurante, sa voix posée, grave, et il manifestait beaucoup de joie. Une joie ancrée dans la terre, dans une force peu commune. Mais il y a une personne qui a marqué mon enfance, et je pense a généré une empreinte sur toute mon existence jusqu’à ce jour.

 

Mais avant de rencontrer cette personne, j’avais observé mon entourage. Et cet entourage était assez particulier lui aussi, mais je ne le savais pas. Je ne comprends pas la notion d’intégration prônée par de nombreuses personnes. Pour moi, lorsque plus tard j’apprendrais que la France est un pays, j’imaginais que ce que je vivais était représentatif de ce que les instituteurs racontaient. J’ai commencé à réellement observer en école primaire. Peut-être parce qu’il y avait quelque chose de nouveau pour moi : mon école était proche du centre-ville d’Agde, et avait la particularité d’accueillir des enfants gitans (il y a une communauté de gitans sédentaires sur Agde), des enfants maghrébins et des enfants de culture occidentale, principalement d’origine française, espagnole ou portugaise. Cette diversité était un monde à découvrir, avec ses codes. Et surtout, ce que nous vivions en tant qu’enfants était en complet décalage avec ce que mes parents ou les adultes autour de moi voulaient nous faire croire.

Les enfants gitans venaient à l’école de façon sporadique. Et ils restaient très soudés ente eux. Bien que nous ayons des échanges en tant qu’enfants, il y avait une différence. Tout d’abord, ils étaient bilingues, et pouvaient parler tant le français que la langue gitane. Ensuite, ils étaient portés par une communauté, et cela se voyait. Ils avaient une notion poussée du groupe et de la vie en groupe. Ils avaient des codes relationnels, ils s’entraidaient, et les parents étaient toujours présents à la sortie de l’école. Pas de garderie, pas de nounous, et une bonne partie de l’année, pas d’école. D’ailleurs, plus les classes avançaient, moins je voyais mes amis gitans. Il y avait chez eux un vent de liberté qui me plaisait et me mettait en décalage avec la notion que l’école est obligatoire, qu’il faut travailler dur et qu’une sorte de réussite passait par là. Eux me montraient qu’il n’était pas nécessaire de travailler à l’école et que les rapports humains, basés sur l’entraide, sur la présence, sur le partage, pouvaient amener une forme de joie et de liberté.

La communauté maghrébine était représentée principalement par enfants qui partageaient entre eux une langue et une couleur de peau, mais ils avaient moins cet aspect communautaire, bien qu’une entraide marquée fut présente entre ces enfants.

Et il restait les enfants à la peu claire, une majorité bilingue aux accents espagnols ou portugais, et ceux comme moi retranchés dans leur seule langue, le français. J’ai beaucoup aimé cette diversité. J’aimais entendre ces langues des parents de mes camarades de classe, j’aimais passer dans les rues d’Agde et sentir les parfums de cuisine chargés d’épices, je voyageais à travers cette mixité qui me nourrissait à un certain niveau, tout en m’interrogeant et me demandant quelle était ma place dans tout cela. Pourquoi certains vivent en groupe et d’autres se sentent désespérément seuls.

L’intégration, ce n’est peut-être pas une seule langue, une seule culture, mais un patchwork avec ses couleurs, ses langues, ses couleurs et ses parfums. C’est d’une telle richesse, que nous pouvons intégrer cela à titre individuel, sans danger. L’intégration, ce n’est pas forcément chercher à imposer une idée, une façon de faire ou de se comporter. Car cela n’est pas de l’intégration, mais une tentative de soumission. L’intégration, c’est un mouvement du cœur, un accueil réciproque et un apprentissage de nouveaux codes, un respect d’un mode de vie, une possibilité de vivre les uns à côté des autres.

Dans l’immeuble où nous habitions avec mes parents, nous avons eu des voisins portugais, maghrébins, gitans, et cela enrichissait les relations.

 

Mais ces moments d’observation étaient des moments forts, mais fugaces. Comme des espaces ouverts dans un quotidien bien chargé. Déjà petit, le rythme de mes parents m’était proposé, avec l’école, les devoirs scolaires, les garderies, la nounou, le sport, parfois m’occuper de ma petite sœur.

J’avais besoin de fuir. Ce monde avec son rythme effréné me submergeait. Les adultes ne me rassuraient pas. Si la nuit je pouvais voler sur les ailes du condor et voyager, la journée était un enchainement de situations qui m’épuisaient. J’essayais de suivre, car même si je souffrais de cette relation, je voulais que mes parents soient fiers de moi. Je voulais qu’ils me remarquent. Je souhaitais qu’ils me manifestent leur amour, sans arriver à le leur demander. Alors j’excellais à l’école. Mais ce n’était jamais assez, et mes efforts n’amenaient pas ces manifestations d’amour dont je manquais cruellement. Quels que soient mes efforts, ils semblaient insignifiants dans le maelstrom de leur vie trépidante. Et les quelques moments affectifs, avec ma mère principalement, étaient un avant-goût de ce que je ne demandais pas. Il « fallait comprendre ». Il fallait « faire avec ». Il fallait que j’accueille « qu’il faut travailler pour vivre ». Je vivais une forme de maltraitance tout en cherchant l’amour et la reconnaissance de ceux qui ne me rassuraient pas. J’espérais un changement radical de mes parents, de mon environnement, de mon quotidien. Mais cela ne venait pas. Je devais me conformer.

 

Non, je n’étais pas d’accord. Au fond de moi, quelque chose résistait. J’avais d’autres exemples auprès des familles d’autres enfants de l’école, et surtout ces voyages nocturnes m’indiquaient d’autres priorités. Il me manquait quelque chose et je ne savais pas le nommer, le décrire. Le vide se creusait en moi. Mon âme ne se réfugiait pas dans un nid douillet, mais dans un puit qui chaque jour se creusait un peu plus.

Les joies occasionnelles, les adultes rassurants trop peu présents, je creusais chaque jour un peu plus ce puit où je me réfugiais une fois seul. Dans cet espace, seul le condor pouvait venir me chercher et m’emporter.

Un enfant sage, brillant à l’école, n’est pas forcément un enfant heureux. C’était mon cas. Sans signe extérieur apparents, je creusais dans le puit sombre de la psyché humaine.

 

Il est alors apparu cet homme, Augusto. Mes parents étaient impliqués dans la MJC d’Agde (Maison des Jeunes et de la Culture). Mon père en était président, et un nouveau directeur venait d’être recruté. Augusto brillait. Pour un enfant empathe, qui ressent fortement son environnement vibratoire, certains êtres sont des soleils. Et c’était le premier soleil que je rencontrais. Je découvrais cet homme par sa constance. Il habitait sur Agde, et que ce soit pour son activité de directeur, pour les sorties à la montagne ou les soirées où il invitait mes parents à discuter chez lui, je pouvais rencontrer Augusto toute l’année. Il était d’un calme profond, d’une joie douce et d’un rayonnement rassurant. Je remarquais aussi qu’à son contact, les êtres s’apaisaient, l’écoutaient, tant ses paroles que ses silences. Il générait un changement d’ambiance là où il se trouvait. J’appris plus tard une partie de son histoire. Assez jeune, il avait été moine dominicain. Il avait notamment été dans cette communauté monastique à la Sainte Baume. Puis un jour, il est parti. C’était le moment. Il avait rencontré son épouse, Leila, et ils étaient arrivés à Agde pour ce travail auprès des jeunes.

 

Augusto rayonnait et son couple rayonnait. Lors des soirées chez eux, lorsque mes parents s’attardaient pour discuter de tel ou tel sujet, je me posais dans un coin, et je me laissais imprégner de leur atmosphère. Je sombrais en général dans un état si paisible que cela m’endormait, et mes dernières images de la soirée étaient feutrées, les voix calmes et dans l’air l’encens déployait ses volutes envoutantes.

 

Augusto avait une grande qualité : il générait la confiance. Il était donc suivi. Mes principaux souvenirs d’enfance ont alors été teintés de ces moments avec lui. Par exemple, je me souviens de ce séjour à la montagne, pour skier. Augusto avait organisé, c’est-à-dire au minimum. Il y avait ces grands adolescents un peu perdus intérieurement, quelques adultes encadrants, dont ma mère et Augusto, et deux enfants, ma sœur et moi. Nous sommes arrivés dans une station de ski, avec une tempête de neige. Le chalet était une sorte de cabane à flanc de montagne, il a fallu marcher dans la neige pour y arriver. Chaque jour, il fallait déneiger la porte. C’était une vraie aventure, avec quelques galères qui devinrent sous l’impulsion d’Augusto des moments forts pour tous. Aller chercher les courses alimentaires en luge et remonter dans la neige, la vie commune chahutée par ces jeunes pleins d’énergie… ce fut un moment semblable à un rite initiatique collectif, où chacun mettant du sien, les difficultés sont devenues des occasions de se dépasser. Et l’enfant que j’étais vivait pour la première fois une forme de force collective, emplie de nombreux moments de joie. Chaque effort apportait une victoire, une joie célébrée ensemble.

 

Augusto a apporté ces rayons de soleil sur mon âme, et j’ai momentanément arrêté de creuser ce puit dans l’obscurité de mon être. Mais ces aides sont fugaces, car elles ont une durée. Et quand Augusto est parti de mon environnement, j’ai continué à creuser. Je savais que le soleil était possible, mais je ne me sentais pas la force d’arriver à le toucher. Alors je me suis remis à creuser.

 

Mes parents qui jusqu’alors m’avaient proposé pour les vacances d’été le centre aéré, puis la colonie, avaient finalement opté pour des vacances en famille dans une ferme de Haute Savoie. J’étais dans un cadre bienveillant, ces accueillants sont devenus des amis, et de neuf à quinze ans, j’ai vécu des étés en réelles bouffées d’oxygène, tant sur le plan relationnel, que cette force que je rencontrais de la terre, des montagnes et des forêts. Ah, ces forêts. Je passais de nombreuses heures avec les arbres, avec la terre, avec ces présences. J’aurais pu rester là, dans ces espaces de résilience. Mais il fallait repartir. Retourner en ville dans ma famille était de plus en plus compliqué intérieurement.

 

L’adaptation était pour moi de donner le change en m’impliquant dans le travail scolaire, dans le sport, la musique, les activités, pour finalement sombrer dans les moments de solitude et d’inactivité. Je sentais auprès de mes amis d’école une même détresse. Je voyais peu de joie dans mon entourage. Nous étions peut-être nombreux à ne pas comprendre ce monde qui voulait nous inculquer des valeurs intellectuelles, alors que nous ne demandions que de la joie, de la paix, de la confiance. Je me tournais souvent vers le soleil, la mer et les ciels de bord de mer. Je leur demandais de l’aide.

 

Je n’arrivais pas à trouver cet équilibre et cette joie profonde, et je pensais alors que mon temps sur cette terre était révolu. La fin du collège et le passage au lycée ont marqué un basculement intérieur. Augusto avait été une étincelle, mon oncle aussi, et je ne trouvais plus ces étincelles autour de moi. Il y avait dans ce qui m’était proposé comme présent et possible avenir un manque de sens. Un manque de joie. Un manque d’amour. Un manque de relations profondes et heureuses.

Le sentiment que mes parents n’étaient pas mes parents a augmenté. Je me sentais autre. Sans arriver à le définir. Je n’avais pas de références, et je ne savais pas où en trouver.

J’ai alors fait une première tentative de suicide. Elle n’a pas abouti, une personne est venue me déranger. Et parfois je n’arrivais pas à aller au bout du geste.

Cette idée est alors restée en arrière-plan, et quand elle revenait, les circonstances n’étaient pas favorisantes.

 

Jusqu’au jour où en voyage dans la famille de mon ami Fred, dans le sud de l’Espagne, pour théoriquement améliorer mes lacunes en langue espagnole, nous avons participé à une soirée. La configuration du lieu était idéale. Les rues étaient en pente. La maison avait plusieurs étages, avec un balcon dans la partie supérieure, trois étages au-dessus de la rue. Nous avions accès à tous les étages et l’alcool aidait à désinhiber certains blocages.

Naturellement, au milieu de cette soirée festive où la majorité des personnes étaient imbibées d’alcool, j’ai gravi les marches de l’escalier intérieur et débouché sur la terrasse. La musique et l’agitation étaient restés quelques étages plus bas. Il y avait sur cette terrasse, à une dizaine de mètres, un couple qui s’embrassait dans l’ombre des toits des maisons voisines. Je ne réfléchis pas plus. Je tournais dès l’entrée de la terrasse vers le balcon. Froidement, je l’enjambais et j’ouvris les bras. Je n'avais qu’une seule idée : basculer la tête vers le bas pour en finir et surtout ne pas être blessé ou handicapé. Je fermais les yeux et basculais dans le vide, au cœur de la nuit, dans un silence total.

 

Était-ce l’alcool, était-ce ce mouvement froid et intérieur qui avait rendu mes gestes mécaniques, où depuis l’intérieur j’observais cette traversée de terrasse, cet enjambement et ce basculement, mais le silence était total. J’étais dans un état autre. Simple observateur d’une scène qui se déroulait presque sans intention. Le mouvement qui précède l’acte, lorsqu’il est radical, nous met dans un retrait sans émotions. Les choses doivent se faire et elles se font. Le basculement avait déjà été fait dès l’ouverture de la porte de la terrasse. J’attendais juste intérieurement que le geste aboutisse et que le rideau s’abaisse.

 

Dans ce silence froid, j’entendis au loin un cri. Comme venant de très loin. À peine audible, se cri est devenu puissant, hurlant. J’étais littéralement aspiré en arrière. Le couple qui s’embrassait dans un coin de la terrasse avait visiblement été saisi par cette scène, et dans un hurlement ils s’étaient précipités et m’avaient rattrapé par les vêtements, par le corps, et m’avaient tiré en arrière, par-dessus de la balustrade. Ils avaient hurlé depuis leur petit coin de terrasse et n’arrêtaient pas de hurler après moi, même quand j’étais au sol, devant eux, sortant doucement de cet espace intérieur distant.

Ils hurlaient des mots dans cette langue que je ne comprenais pas sur l’instant. Ils hurlaient mais ils avaient tous deux l’air d’anges.

Ils m’ont redescendu au rez de chaussée et j’ai quitté la soirée avec mon ami Fred.

 

Cette expérience a été marquante. J’ai clairement senti que cette force qui m’avait tiré en arrière était spéciale. Je ne saurais pas dire comment, mais elle était spéciale. Aujourd’hui, je pourrais dire qu’elle a quelque chose d’angélique. Réellement. Nous ne savons jamais comment, ni sous quelle forme les anges interviennent. Mais là, je l’ai vu. De façon fugace.

 

Les jours et les semaines suivantes ont généré un profond malaise intérieur. Si je ne pouvais pas me suicider, il fallait que je trouve une solution pour rester en ce monde que je ne comprenais toujours pas. Je pris alors une autre décision. Il me fallait un cap. Une orientation. Je devais m’endurcir. Je devais devenir froid et dur comme l’acier pour pouvoir survivre. Je devais me conformer au modèle de mes parents et des autres adultes autour de moi.

J’ai donc repris avec assiduité mon implication scolaire, j’ai arrêté le basket ball pour commencer les arts martiaux. Je devais m’endurcir. Je ne voyais pas d’autre solution.

 

Des solutions, avec le recul, en cotoyant des personnes qui ont choisi de voyager jeunes par exemple, étaient tout aussi valables. Mais je ne voyais pas d’autres issue. C’était le chemin que je devais suivre un temps pour vivre une explosion qui a radicalement bouleversé ma vie. Mon âme semble avoir dressé une barricade de pierres froides pour pouvoir faire voler tout cela en éclat. Mais je ne le savais pas encore.

 

 

Je retire de ces expériences divers enseignements.

 

 

J’éprouve une grande compassion envers mes parents. Ils ont fait ce qu’ils ont pu.

J’éprouve aussi une grande compassion envers cet enfant qui a essayé de revenir à la joie et qui désespéré, quelques années plus tard, a essayé de mettre un terme à cette existence.

J’éprouve aussi beaucoup de compassion envers le jeune père que j’ai été. En tant qu’enfant, j’aurais aimé que mes parents changent radicalement. Cela ne s’est pas fait. Et j’ai hérité d’un ensemble de leurs fonctionnements, de leurs blessures, et j’ai été influencé par mon environnement social et l’éducation que j’ai reçue. J’éprouve de la compassion envers mon propre chemin, ces lenteurs et résistances quant aux changements intérieurs.

Nous avons à vivre de grands nettoyages intérieurs, de grands changements dans nos croyances et notre façon de penser. Des périodes de retrait sont nécessaires pour se découvrir au-delà de ce que nous avons calqué sur nous. Des périodes d’observation et de mues. Sinon, les adultes sont des enfants vivant dans des corps d’adultes. Nous avons à traverser des mues nécessaires. Dans de nombreuses sociétés, ces épreuves sont préparées soigneusement, et vécues à travers des rites initiatiques.

J’ai de la compassion envers ce jeune père que j’ai été, essayant de créer une vie de famille, avec ses conditionnements et ses blessures encore à vif. Pris dans mes propres schémas, j’ai fait de mon mieux. J’ai répété des schémas et j’ai été maladroit.

Un de mes enfants a fait une tentative de suicide assez jeune. J’ai dû aussi regarder cela.

J’ai vécu de nombreuses crises.

C’était mon chemin pour revenir à l’amour. J’ai généré de la souffrance, et dans mon chemin d’adulte plus éclairé, je suis passé par un chemin de pardon.

 

J’ai vécu certaines de ces crises au sein de ma petite famille, et j’ai aussi dû partir de mon foyer familial. La crise de la quarantaine ou de la cinquantaine ne sont pas les crises des rêves inassouvis. Elles sont des crises nécessaires, lorsque les transformations n’ont pas été faites. L’âme crie et parfois hurle « révèle-toi ! Réveille-toi ! ». Et il est parfois nécessaire de quitter l’environnement familial pour répondre à cet appel. Pour rencontrer notre vraie nature. Divine. Pour cela, quelque chose doit bouger. Mais surtout quelque chose doit aussi mourir en nous. Accepter de mourir, c’est d’abord accepter de ne pas être un quelqu’un. De mourir à l’idée idéalisée que nous avons de nous-même, de la famille ou idéal que nos parents avaient pour nous. Notre première mort est une mort initiatique.

 

Nous sommes des apnéistes du divin. Une plongée intérieure est nécessaire. Puis une autre. Plonger et plonger encore. Nettoyer. Déparasiter. Soigner. Libérer. Ouvrir le canal intérieur. Sans cesse. Sans hésiter. Sans faiblir. Telle une libellule qui va faire ses mues sous l’eau, jusqu’à arriver à cet être ailé volant dans le ciel de lumière.

 

Explorer la lumière permet de briller. À force d’exploration, à force de briller, nous créons des échelles invisibles et scintillantes qui nous permettent de sortir de nos puits. Et un jour, nous nous rendons compte que nous marchons sur des terres avec un horizon. Ce sont les terres de sagesse.  

 

Un enfant, pour grandir, a besoin de repères inspirants.

Un adulte, pour se transformer, a besoin de repères inspirants.

Nous pouvons être la personne inspirante qui va aider d’autres êtres. Mais pour devenir ce rayon de soleil, nous avons à revisiter nos croyances, à nous libérer de nos conditionnements.

Mes parents ont grandi dans un monde qui me parait étrange. Il était froid. Coupé. Basé sur un modèle individualiste qui ne fonctionne pas. Je suis étonné de voir que ce système soit encore le système dominant dans le monde de mes propres enfants.

Nous avons cette responsabilité de changer nos habitudes et nos vieux schémas s’ils sont inadaptés pour ce nouveau monde. Cela peut aussi aider nos proches, comme d’autres êtres. Il ne s’agit pas de demander aux jeunes de ne plus se suicider, ou de les surveiller en permanence, il s’agit de leur donner un exemple vivant, vibrant, inspirant. Cet exemple ne sera pas dans un livre, un magazine ou une vidéo agréable. Cet exemple est là, en nous, en chacun de nous, ne demandant qu’à se manifester.

 

Finalement, je me rends compte que je n’ai jamais remercié directement Augusto. Cela ne s’est pas fait. Je crois que je l’ai remercié à travers mes propres transformations. Mon chemin spirituel. Ma meilleure façon de le remercier, dans ce que je ressens, est de laisser vibrer cette énergie que j’avais sentie chez lui et que je ressens en moi. De laisser cela se déployer.

Augusto n’était pas un quelqu’un. Bien sûr, il avait un corps, on aurait pu imaginer que c’était quelqu’un. Mais tout a une apparence. Derrière cette apparence, nous canalisons différentes énergies. Et chez Augusto, j’ai nettement senti une présence divine. J’en ai conclu que c’était un ange. Derrière son apparence humaine il canalisait un ange dans son quotidien. J’en ai rencontré d’autres. Rarement.

Chaque jour, chaque nuit, je me tourne vers la Terre et le Ciel, et je demande à être inspiré. Traversé. Pour qu’à travers moi, à travers cette forme aux apparences humaines, l’Ange, qu’il soit de couleur terrestre ou céleste, se manifeste.

 

« Un jour, quand nous aurons maitrisé les vents, les vagues, les marées et la pesanteur, nous exploiterons l’énergie de l’amour. Alors, pour la seconde fois dans l’histoire du monde, l’homme aura découvert le feu », Pierre Teilhard de Chardin.

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