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Empathe


Empathe


Un jour que nous nous promenions sur le chemin qui s’engage dans la forêt à la sortie de son village, nous avons croisé avec Oriandre une femme enceinte avec un petit enfant qui marchait à ses côtés.

Nos regards se sont croisés avec ce petit enfant qui marchait maladroitement avec sa maman. Il avait plongé son regard dans le mien, un regard clair, bleu comme un ciel d’été. Sa marche était peu assurée, ce devaient être ses premières balades forestières.



Quand nous fûmes un peu éloignés, Oriandre me dit : « tu as vu comme il est empathe ce petit enfant ? »

Je me retournais de crainte que la mère nous ait entendu. C’était la première fois que je voyais Oriandre faire une remarque sur une personne et j’essayais de rectifier un peu. « Oui, il est un peu joufflu, mais de là à dire qu’il est empâté, c’est quand même exagéré. Il est un peu rond comme un petit enfant qui marche depuis peu. Sa silhouette va s’affiner ».


Cela fit rire Oriandre. « Oui, oui, oui ! » dit-il en riant.

Il aimait beaucoup les enfants et les enfants l’aimaient beaucoup. Il se dégageait de lui une présence lumineuse et enfantine que les enfants aimaient de façon magnétique.


« Dans les traditions anciennes, chez les celtes, l’enfant était accueilli par toute la tribu. Tout le clan. C’est-à-dire par les personnes qui vibraient avec les parents et qui venaient se relayer pour apporter une présence soutenante. C’était aussi un bel exercice de vigilance sur les pensées et l’énergie que l’on apportait dans un foyer. Car les bébés et les jeunes enfants sont empathes. C’est-à-dire qu’ils ne réfléchissent pas, ils sentent. Ils ont tous leurs corps ouverts et ils ressentent à différents niveaux ce qui est là, dans leur champ de perception. ».

Je compris alors qu’effectivement il parlait de qualités de perception et non pas d’un embonpoint de l’enfant que nous avions croisé.


« Les anciens ne se précipitaient pas à éduquer par les mots, à chercher à communiquer par les mots avec l’enfant. Car ils lui laissaient le loisir de développer ses qualités d’empathe. L’enfant développait sa faculté de percevoir le deuxième monde, l’énergie des lieux, des êtres, la vibration de l’invisible… Leur pureté leur permet de voir certaines choses que nous ne pouvons pas voir ou percevoir en tant qu’adulte sans certaines capacités.

La tribu avait un rôle actif et présent pour toute naissance. Ils créaient un champ vibratoire particulier.


Les mots sont souvent un activateur du mental et un accélérateur du changement de monde, pour passer du monde magique, sensible, au monde sensoriel, le monde de la densité et des relations verbales. C’est un monde qui réduit si tu ne laisses pas d’ouverture. C’est aussi pour cela que dans chaque tribu certains ont pour rôle de garder le sacré, la relation aux mondes subtils et aux dimensions autres, pour garder cette vibration au sein du clan.

Il n’y avait pas de séparation dans les temps anciens entre le monde matériel et le monde des esprits. Une porte était ouverte en permanence. Cela est appelé ancien, même si ce n’est pas très vieux. C’est juste que la civilisation actuelle est éduquée pour fermer ces portes.


De jeunes générations arrivent. Je sens que les portes vont s’ouvrir à nouveau…

Certains enfants, dont les capacités à vibrer étaient exceptionnelles, étaient confiées aux druides. Les parents confiaient leur enfant pour que le druide en fasse un être du sensible. C’était un pacte qui se créait ainsi. Il fallait donc que la jeune âme soit aussi d’accord. Le druide devenait alors le parent principal, et parfois certains jeunes enfants ne revoyaient plus leurs parents, ou épisodiquement. L’enfant allait apprendre de la forêt, des êtres de la nature, le langage des mousses, le langage avec les esprits animaux, la claire perception du ciel… J’ai connu un des derniers enfants qui a été confié à un druide. Ce druide portait le même nom que dans les légendes, Myrdinn, l’enchanteur. Il a adopté l’enfant et l’a amené dans ses voyages…


Tu vois, quand tu viens, tu essaies de retrouver le chemin jusqu’à toi. Tu essaies de te sentir complet, alors que ta réalité du moment est fragmentée. Tu te perçois séparé des autres, pensant que tu es un individu. Tu te perçois séparé de la terre et des animaux. Tu perçois comme étranger l’autre, qu’il soit personne, arbre ou rivière.

Tu as coupé le lien naturel avec les esprits de la nature. Tu as accepté de séparer en acceptant le contrat que te proposait ton entourage dans la petite enfance. »

Voyant que j’allais répondre, il continua d’un ton doux et bienveillant.


« Tu as choisi cela d’une certaine façon. Ces contrats de séparation te permettent de faire le chemin inverse alors que tu es adulte. C’est une façon que ton âme a choisi pour revenir à sa plénitude. C’est un chemin de retour de la perception mentale vers ta nature empathe, qui est la porte vers le non dicible, vers ta nature divine. Tu apprends à voyager dans les trois niveaux de notre tradition.

C’est un beau chemin, car ton appel est noble. Il vient d’un espace qui a soif. Qui sait qu’il y a une plénitude possible.

Ton chemin d’adulte est de rassembler ce que tu crois être, de rappeler ton enfant et ton bébé qui restent dans des trames magiques, de rassembler ce que tu étais avant d’être bébé, avant d’être conçu, et d’en faire ta nouvelle maison. Une maison tissée de divers niveaux de réalité, dont les portes et fenêtres ouvrent sur différents niveaux de réalité, tout en étant dans un même monde. C’est le chemin des celtes modernes. Retrouver la capacité à plonger leurs racines dans les enseignements de la terre pour accueillir les différents mondes et grandir, pour sortir de leur isolement, et s’ouvrir ensemble aux forces qui se manifestent. Je sens les anciennes trames vibrer.

C’est que le monde bouge. Certains lieux, certains êtres se réveillent. Il est temps d’offrir la vibration des anciens, de réveiller les anciennes alliances avec l’invisible pour soutenir cela. Un monde nouveau émerge. »


Stéphane

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