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Bord de Rivière


J’arrivais vers mon lieu d’offrandes, au bord de la rivière. Une femme était là, assise sur la murette face au grand frêne et la rivière qui faisait un léger coude en cet endroit. Je la voyais de dos. Au début, je pensais qu’elle méditait avec l’arbre et la rivière, mais je remarquais des secousses au niveau de ses épaules. Elle devait pleurer.

Comme elle ne m’avait ni entendu, ni senti, je pensais faire demi-tour discrètement. Mais je sentis une voix intérieure qui me poussait à aller la rejoindre.

Obéissant aux guidances, je pris le temps de quelques respirations, pour bien m’ancrer dans la présence. Puis je m’avançais avec autant de douceur possible.

 

Accaparée par ses pleurs, elle ne m’entendit pas arriver à son niveau. Je restais légèrement en retrait, la laissant avec ses émotions. J’attendis patiemment, silencieusement, en restant présent et traversé par des vagues de compassion.

 

À un moment où après avoir essuyé des larmes, elle regarda autour d’elle, elle fut surprise et sursauta en me voyant. Je la regardais en silence, laissant la bonté regarder à travers moi. Je n’avais jamais vu cette femme. Elle semblait avoir la trentaine, cheveux bruns, yeux marrons comme la terre. C’était un bon jour pour une rencontre, en ce lendemain d’équinoxe.

 

Je commençais par m’excuser de l’avoir fait sursauter, ne souhaitant pas être intrusif.

Elle me regarda dans les yeux, avec ses yeux rougis par les larmes précédentes, et me demanda qui j’étais.

 

- Je suis juste un être qui vient faire des offrandes ici. Je suis un ami de ce grand frêne et de cette rivière. Peut-être que c’est leur esprit, à l’un, ou à l’autre, ou à la forêt environnante, qui m’a incité à venir ici, à ce moment précis. Alors je suis là.

 

Elle me dévisagea, comme pour sentir quel type d’individu elle avait en face d’elle. Il se peut fortement que les mots prononcés lui étaient peu familiers. Mais je restais paisible, ancré dans la présence empathique. Dans cette empathie, c’était tout le lieu avec lequel j’étais connecté. Et cette femme était comme une visiteuse de ce lieu dont je faisais partie.

Je voyais qu’elle cherchait à me classer dans une catégorie d’individus, et que derrière cela elle cherchait à savoir si elle était en présence de bonté ou de danger. Je la laissais sentir, silencieusement.

 

Elle rassembla ses affaires au sol, une veste et une couverture, et sembla vouloir partir :

- Je vais vous laisser faire vos offrandes.

 

Je sentis la présence parler à travers moi.

 

- Vous ne me dérangez pas. Si vous souhaitez rester, sentez-vous bienvenue.

 

Elle reposa ses affaires au sol et me regarda faire mes offrandes. Je fais quelques offrandes de son, des offrandes de pain, et je restais à toucher le grand frêne avec mes mains et mon front, un assez long moment.

 

Quand j’eus fini, je demandais intérieurement si je devais partir et laisser cette femme seule avec le lieu, et la réponse intérieure m’invita à rester. Je demandais à cette inconnue :

- Voilà, j’ai fait mes offrandes matinales. Est-ce que c’est ok pour vous si je m’attarde un peu, ou est-ce que vous souhaitez rester seule ici ?

- Non, non, vous pouvez rester ici. De toutes façons, ce n’est pas chez moi, je ne voudrais pas moi-même vous faire partir de cet endroit merveilleux.

 

Elle parlait tout en continuant à me sentir, comme pour évaluer quelque chose. Je laissais faire, sentant son énergie interroger et écouter ses propres réponses.

Elle avait retrouvé son calme. Elle me demanda ce que j’avais fait en posant mes mains et mon front contre le tronc du grand arbre.

 

- Le frêne est mon ami. Il est un lien, une porte avec différents lieux, au-delà de cette clairière en bord de rivière. Il me connecte à d’autres lieux, d’autres dimensions, et il est comme un gardien de ces dimensions qui m’accueille dans ses bras bienveillants. Je viens le saluer comme un enfant, ou plutôt comme un être empli de gratitude et d’humilité, et je m’en remets à ce qui se passe.

Sans réfléchir à mes mots, je laissais sortir : Et vous, pourquoi vous êtes-vous adossée à lui ? Pourquoi avez-vous posé votre tête sur son tronc ?

- Vous m’avez vue ? demanda-t-elle sur la réserve. Je sentais son énergie d’inquiétude, comme si je l’avais espionnée à son insu

- Non, c’est lui qui me l’a dit, dis-je en tendant mon bras vers l’arbre majestueux.

- Et il vous a dit autre chose ?

- Non, mais je peux lui demander si vous voulez.

 

À nouveau, je sentis son énergie osciller entre suspicion et curiosité.

 

- Allez-y pour voir.

 

La curiosité l’avait emporté. Je me rapprochais à nouveau du tronc et je demandais intérieurement si un message voulait bien venir pour cette femme. Je sentis un frisson parcourir tout mon corps. Ces frissons sont assez fréquents quand je sens les esprits de la nature venir se connecter, s’incorporer, pour s’exprimer à travers moi. D’une certaine façon, je mets ma présence en retrait, et je laisse faire, comme un observateur extérieur. Et cela agit.

 

- Le message qui émerge est de ne pas vous inquiéter. Votre demande a été entendue. Chaque demande est entendue. Oui, vous pouvez accueillir le fait de vous sentir submergée. De sentir votre tâche comme impossible, tant il y a des forces en présence, des forces qui semblent établies, qui semblent si nombreuses et ambiantes, que vous pouvez avoir l’impression de vous sentir comme un petit grain de sable perdu au milieu d’une vaste plage. Vous ne pouvez pas imaginer ce qui se passe réellement. Vous ne pouvez imaginer ce qui se passe dans d’autres dimensions, de même que vous ne pouvez concevoir ce qui se passe dans une éternité.

Par contre, je sens des forces de soutien. Ne baissez pas les bras. Ne vous découragez pas. La Terre Mère appelle ses enfants. Elle les réunit. Des forces agissent dans le visible et dans l’invisible.

Bien sûr, il y a des forces d’involution. De destruction. C’est pour cela que vous êtes là. De nombreuses âmes, ou du moins des âmes de plus en plus nombreuses répondent à cet appel. Il y aura un changement ou pas, cela ne vous concerne pas. Soyez à votre place, prenez soin de la Terre Mère. Continuez votre mission. Votre âme pousse à cela. Laissez de côté vos croyances et conditionnements. Apprenez à vous en remettre complètement. Sans objectifs. Sans attendre de résultats. Les fruits de vos actions seront peut-être cueillis par d’autres, ou dans d’autres temps.

Vous sentez une forme de responsabilité, mais vous n’êtes pas responsables de toute l’humanité. Vous avez juste à faire votre part. Là est votre véritable responsabilité. Utiliser vos guidances pour mettre en action les vibrations de lumière. Apporter la lumière qui vous traverse dans ce monde.

 

Le ton changea, comme une autre voix qui s’exprimait :

Nous t’envoyons des frères et sœurs, des guides et guidances. Continue petite sœur. Continue avec nous. Déploie tes arts sacrés. Déploie ta lumière. Car cette lumière, c’est notre lumière. Tu n’es pas seule. Quand tu te connectes, tu n’es pas seule. Nous sommes avec toi. Courage petite sœur. Nous sommes avec toi…  

 

 

Et la voix cessa. Je restais un court instant encore à écouter, mais la présence était partie.

Je me redressais et tournais mon regard vers cette femme. Elle était toujours assise sur la murette, elle avait les yeux fermés et pleurait silencieusement.

Je sentis que les mots que j’aurais pu ajouter étaient superflus. Je passais silencieusement à côté d’elle et quittais le lieu. Je rentrais à ma maison, où ma famille m’attendait pour cette nouvelle journée. Je me sentais bien à ma place. Je sentais intérieurement que chaque personne à sa place, chaque personne qui suit ses guidances est un élément de plus au service de forces de lumière que je ne comprends pas, tant elles sont surprenantes, infinies, multidimensionnelles. Mais je suis sûr que ces nouvelles âmes, depuis des décennies, ont répondu à cet appel de la Terre Mère, et que chaque âme qui se révèle est un point de lumière, un canal de forces merveilleuses, pour que cette humanité évolue, transmute, et qu’un nouveau monde émerge. Un monde relié, connecté, empli d’empathie et de présence bienveillante.

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