Article proposé pour le magazine Druideesse (parution du magazine tous les équinoxes, donc 2 fois/an).
Bien souvent, l’approche spirituelle de la nature est imaginée dans le faire : créer une relation avec les esprits de la nature, communiquer avec les fées, voir des auras de plantes, etc.
Dans notre monde habituel, cela passe par le « faire », par l’action. Lorsque nous sommes en action, nos sens viennent nous informer. Notre ressenti est la base des perceptions et de la réalité que nous nous construisons. Cela se fait à une échelle personnelle et cela est de même à une échelle collective.
Or l’approche spirituelle de la nature, si elle implique effectivement une certaine sensibilité, va de pair avec une approche spirituelle de ce que nous sommes : Qu’est-ce que je suis vraiment ?
Il se peut que pour pouvoir aborder la nature sensible du monde, il nous soit impossible, voire limité, avec les approches habituelles qui nous servent à percevoir le monde . Il se peut que cela ne passe pas par nos sens ou notre ressenti. Car pour percevoir ce qui est habituellement non perceptible, nous avons à éveiller nos autres sens. Nos autres capacités.
Si nous voulons tisser une relation spirituelle avec la nature, nous sommes invités à changer nos modes relationnels. Cela implique de changer notre façon d’être au monde, notre façon de percevoir,et notre façon de nous relationner.
Pour changer notre façon d’être au monde, nous avons des pistes. Les enseignements spirituels des grands courants religieux nous y invitent. Ces enseignements, bien au-delà des dogmes et interprétations de textes, sont des aides à un changement profond de l’être. Une invitation de passer d’un « moi » réduit dans ses capacités, dépendant des conditions extérieures, craintif ou souffrant, à un être d’amour, qui expérimente la liberté, la joie, etc. Et tout cela avec des moyens simples et accessibles.
En parallèle des grands courants religieux, des guides spirituels se manifestent de plus en plus ces dernières décennies, pour nous aider à réaliser ce processus de changement. Une invitation à l’éveil individuel et à changer de « paradigme » sur un plan individuel et collectif. Une sortie de nos enfermements, un retour à l’amour, et une façon de vivre et d’être au monde chargée de lumière et d’amour. Que ce soit Krishnamurti, Eckhart Tolle, Byron Katie, Marianne Williamson et autres, les exemples sont de plus en plus nombreux. Ce qui est merveilleux, c’est que ces guides offrent des guidances. Des exemples vivants contemporains, et des outils pour réaliser ces changements.
En changeant notre façon d’être au monde, progressivement nous changeons nos modes de pensée. Il y a une reprogrammation mentale qui nous permet de changer notre mode de penser. Cette reprogrammation mentale ouvre aussi de nouvelles perceptions. De nouveaux sens.
Parallèlement, en changeant notre façon d’être au monde et notre façon de penser, nous changeons d’énergie. Notre énergie personnelle change et nous en ressentons les bénéfices. Car dans ces processus, il y a alors une forme d’opération de nos corps, visibles et invisibles, et de nouvelles connexions sont établies. Nous avons une nouvelle énergie. Et il émane de nous une nouvelle vibration.
C’est cette vibration qui permet d’entrer en relation avec le sensible. Cette vibration est un mode relationnel avec le monde. Un nouveau monde. Car en travaillant à accueillir cette nouvelle énergie et cette nouvelle vibration, le monde change. Vous ne percevez plus les mêmes choses. Vous n’avez plus les mêmes priorités, la même attention. Cela est souvent décrit comme une sortie de rêve. Vous sortez du rêves que vous aviez précédemment. Vos croyances sur ce que vous êtes, sur votre travail ou sur le monde en général changent profondément. Vous vous éveillez à ce qui est. Vous vous éveillez à ce qui existe au-delà de nos limitations habituelles. Vous vivez concrètement dans un monde nouveau. Une nouvelle terre. Avec une temporalité différente. Et avec une relation au monde différente.
C’est alors qu’émerge ce qui doit émerger. Certains vont entendre, d’autres voir, d’autres ressentir, d’autres rêver, d’autres encore percevoir avec d’autres sens. Quoiqu’il en soit, vous changez.
Votre trame énergétique personnelle se connecte à des trames invisibles plus vibrantes, plus lumineuses, et votre façon de vous connecter est donc changée. Ce travail spirituel est un réel travail. Car il nécessite un effort. Si notre nature profonde est aussi lumineuse que le sourire d’un bébé, nous avons choisi consciemment et inconsciemment, l’influence de l’éducation collectivement mise en place. Cette éducation basée sur les principes de la matière et de l’individualité, construit un mode de penser et d’être au monde assez réducteur. Elle construit une forme de rêve. Et nous sommes le rêveur. En nous éveillant, nous réalisons une mue. Nous changeons et nous nous révélons dans ce que nous sommes de plus lumineux.
Cet éveil s’apparente à jouer de la harpe, ou n’importe quel instrument à cordes. Là où nous avions accès aux notes basses, soudainement nous avons accès à l’ensemble des cordes. Notre instrument vibre différemment. De nouvelles mélodies deviennent accessibles. Essayez. Prenez un instrument à cordes. Une guitare, une harpe, ce qui vous vient. Si vous avez un tel instrument, essayez. Si vous avez un instrument à vent, cela marche aussi. Essayez de jouer avec la corde la plus basse. Ou soufflez dans le premier ou les deux premiers trous de votre flûte (ou l’instrument du magasin). Observez le son. Observez la possibilité réduite de mélodie. Vous pouvez jouer avec la rythmique, des notes courtes, longues, des silences… et lorsque vous utilisez les autres cordes, ou les autres trous de votre flûte, voyez ce qui sort. Il n’y a pas besoin d’être musicien pour percevoir les vastes possibilités que ces nouvelles notes procurent. Il en va de même avec les processus de changements : reprogrammations, connexions… De trames basses, vous pouvez jouer avec de nouvelles trames, plus élevées.
L’approche spirituelle de la nature est donc une invitation à œuvrer tant à des changements intérieurs qu’à tisser une nouvelle relation à la nature. Avant d’agir sur le monde, de cueillir, de cultiver, de macérer, ou tout en le pratiquant, il s’agit de nous transformer. De nous ouvrir aux trames de lumière et de jouer avec.
Ce n’est pas accessible à tout le monde. Certains souhaitent rester dans l’ancien monde. Jouer avec une ou deux cordes convient à certains. D’autres vont explorer. Jouer. Découvrir l’instrument que la vie leur a donné, et s’ouvrir à de nouvelles mélodies.
Dans sa générosité, la nature nous accueille et joue avec nous là où nous en sommes. Nous pouvons jouer avec la nature quelques notes. Elle jouera sa mélodie et parfois nous percevrons sa mélodie angélique ou féerique, notes cristallines pour interroger nos sens. Nous pouvons jouer avec la nature avec de plus amples possibilités. Et là, c’est une symphonie qui se co-crée. La séparation s’amenuise. Nos trames vibrent ensembles, et nous intégrons un champ particulier. Nous entrons dans une forme de communion. De non séparation. D’union commune et volontaire. C’est à ce moment-là, précisément, que la cueillette prend un autre aspect. A la place de cueillir, nous accueillons. Il y a un don qui est fait. Un trésor qui nous est confié, à partager, pour aider d’autres êtres autour de nous. Pour aider à des changements physiques, psychiques et des changements énergétiques. Pour aider à moins souffrir. C’est une voie individuelle qui a une répercussion collective.
Je me souviens qu’avant mes premières cueillettes, je fréquentais la tradition lakota. En particulier le rituel de l’Inipi (ce qui se traduit vulgairement par « hutte de sudation » ou « cérémonie de hutte de sudation »). Dans l’Inipi, outre le guide, l’officiant, il y a les participants, les éléments, les traditions, les êtres invisibles, esprits de plantes, d’animaux, de personnes, guides de lumière, des sons et de la musique, des prières, etc. Différents composants qui jouent sur différents plans. Nous étions invités à travers les paroles inspirantes et le partage de l’Inipi à accueillir le sacré. Je perçois que ce sacré est en fait une forme de sacre, de couronnement. Notre chapeau habituel, qui nous coupe de ce qui nous arrive, est remplacé par une couronne de lumière qui nous ouvre à d’autres qualités. Le sacré apparait. « Enlève ton chapeau pour rencontrer l’autre ». Si tu enlèves le chapeau de ta tête, la nature y dépose une couronne tressée de liens vivants.
Après tout, il se peut que les écoles spirituelles de la nature et des plantes soient simplement des écoles de harpistes. De leurs doigts hésitants, progressivement, ces musiciens en herbe apprennent à jouer avec des trames de lumière.
Stéphane
Depuis l’ecosite sacré du Monastère Saint Michel du Var